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Le groupe de l’association La Brigantine est rentré à Lausanne samedi 31 octobre au terme de ses presque deux mois entre mer et terre

le long des côtes du Brésil puis d’Argentine. Deux mois de Rio de Janeiro, quitté le 14 septembre, jusqu’à Mar del Plata, atteint fin octobre, pour ces cinq jeunes - Bruna, Ethan, Jeff, Matthias et Nicolas - et leurs trois accompagnateurs Olivier, Laurent et Sophie au cours desquels ils auront vécu mille et une aventures de la vie du bord et de l’expédition, participé à la pose d’un nouveau jeu de voiles sur Fleur de Passion, effectué des prélèvements d’eau de mer dans le cadre du programme scientifique Micromégas, rencontré un ambassadeur de Suisse, des lions de mer, visité des villes et des campagnes de cette Amrérique du sud jusque-là inconnue. Et appris un peu sur eux-même et sur les autres, aussi, dans un échange réciproque riche et stimulant…

A l’occasion de ce retour sur le plancher des vaches, pour faire dans le clin d’oeil, il est temps de reprendre le fil de leurs pérégrinations, laissé il y a plusieurs semaines alors que le voilier poursuivait sa descente le long des côtes brésiliennes. Suite et fin du journal de bord de La Brigantine.

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Date : 23 septembre
Météo : Grand beau, vent jusqu’à 10 nœuds, mer miroir

Notre vie de mousse… ça ne s’arrête pas à secouer des grands draps blancs vers le ciel, ni à « palmer » avec Caroline la tortue le tuba à la bouche, ni à scruter l’horizon pour surveiller la venue des pirates… La pêche, ça va un moment. Alors, on trouve de quoi s’occuper : lessive, bricolage, nettoyage ou épissure, entre autres activités de pont.

Par groupe, durant trois heures, les équipes sont de piquet sur le pont pour « s’enquiller » la bonne tenue du bateau alors que sous le rouf, les autres marmitonnent, astiquent et poutzent.

Repas
Ravitaillement dans chaque ville portuaire, il s’agit de faire le plein pour les jours sans Terre.
Les fruits et légumes sont cachés en fond de cale, donnant aux cabines de devant une agréable odeur d’ananas. Le panier rouge à la main, nous remplissons la quantité idéale pour 11 bouches affamées. Les menus s’établissent au fur et à mesure des rêves de chacun. Le seul incontournable qui n’a pas encore pris forme : le HAMBURGER-FRITES.

Les doigts transpirent à force de couper, les yeux pleurent lorsque passent les oignons. Le gaz enflamme le cul des casseroles, bloquées pour ne pas « engraisser » le sol. Sous les yeux aguerris des matelots aux doubles casquettes, l’épluchage de l’ail, le râpage de fromage sont contrôlés activement. Les coups de gueule s’entendent jusqu’au rivage : « Vous faites tous chier ! ».

Sans limite, le chocolat s’invite à bord. Lumière tamisée, bougies allumées, le cake fait surface, lors du dessert, le 21 septembre. Nicolas festoie ses 16 ans au Brésil. Tout cela, après avoir déployé sur la table à manger la lessive pour retrouver caleçons et chaussettes propres.

Vaisselle
En mouvement, le bateau peine à dessaliniser toute l’eau nécessaire à rincer les assiettes citadines. Il est temps de prendre « le coup d’poignet matelotien » ! Deux éviers à disposition. L’eau salée coule dans l’un pour un premier lavage/rinçage, puis vient le dernier polissage à l’eau douce. La pression est difficile à maintenir, personne ne doit se trouver sous la douche en même temps, sinon « ça péclote » !

Rangement intempestif, rien ne doit traîner sur le banc sous peine de se voir éjecter à l’autre bout du bateau. Déjà un thermos d’évacué…

Navigation
Tenir le cap, la barre est le repère du plus affûté. Rien ne lui échappe, il doit manier le bateau, le faire gravir les vagues, surmonter les bourrasques.

Les équipiers, pendant ce temps, règlent les voiles. À déjà 20 nœuds de vent et des pointes à 30, il s’agit de réduire la voilure. Le bateau gîte, il faut s’agripper d’une main et préparer les drisses, libérer les écoutes et se mettre à affaler le clin foc et la trinquette. Seules l’artimon et la grande voile survivent aux premiers réglages.

L’un d’entre nous se doit d’être le guetteur. Le mât n’est pas son antre, pas encore « d’initié ». Il se tient plutôt à l’avant du bateau près de la « delphinière » pour observer les « péchous » (pêcheurs) sans feux, les barques à la dérives ou encore les dos de baleines à esquiver. Il jette un coup d’œil sur l’écran. Le radar lui indique où sont les prochains pirates, la carte électronique permet de se situer et d’évaluer la durée du voyage. Dans ce foisonnement d’appareils, il est encore indiqué : la vitesse du vent, la profondeur des fonds marins, la présence de vie sous la coque.

Lorsque les rabans viennent à manquer, nous nous attelons à « épisser » de nouveau cordage, donner de la couleur au bateau.

Prélèvement scientifique
Un drôle de dragon est mis à l’eau, tenu par des barres en métal qui l’obligent à nous suivre. La vitesse réduite, nous prélevons chaque trente minutes ce qu’il ingurgite pour ensuite le stocker/conserver en vue de futures analyses scientifiques qui indiqueront le taux de plastique dans les organismes vivants en mer.

Ménage
À quatre pattes, les mains qui frottent le parterre au savon noir à décaper n’importe quel résidu, chacun y passe. Les bouts se soulèvent pour mieux éliminer ce qui traîne, jusqu’à découvrir une hôte venue de Paraty : Adeline la chauve-souris. L’eau des seaux gicle le sol pour rincer l’amas de sable emmagasiné lors des baignades. Même le maniement des « brosses à chiotte » s’apprend. Après 11 passages, il s’agit d’être discret…

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Date : 24–26 septembre 2015
Position : Porto Belo
Météo : Pluie, grisaille

Porto Belo est une petite ville portuaire construite autour d’un axe routier. Nous débarquons le temps de donner des nouvelles aux proches. Les familles, les amis savent enfin à quelle sauce nous sommes mangés. Nous sommes soulagés d’avoir pu envoyer un « selfie » de notre bonne mine à maman, contents d’avoir envoyé des bisous à la copine, heureux d’avoir posté quelques photos.

L’île d’en face nous invite à la visiter. Nous allons nous dégourdir les jambes sur un sentier aménagé, découvrir la faune et la flore locale. « Marcher ?! », ça ne fait pas le bonheur de tout le monde… Mais sortir du bateau, changer d’atmosphère, ça fait du bien.

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Date : 27 – 29 septembre 2015
Position : Itajai
Météo : Pluie, grisaille. Nous rattrapons le froid

Nous sommes remontés sur Itajai car nous devons annoncer aux autorités que l’équipage et le bateau quittent officiellement le territoire brésilien. Notre prochaine étape est donc l’Uruguay, avec éventuellement encore une escale à Rio Grande (Brésil), selon les conditions météo.
La journée du lundi est longue, car ces formalités prennent du temps. Les heures d’attentes défilent. « Comment s’occuper ? », « Combien de temps ça va durer ? ». Le doute, l’agacement, l’ennui sont au rendez-vous. Quelques tensions émergent. La vie de marin nous plonge hors du milieu institutionnel : pas question de discuter, quand il faut agir, il faut agir ; ça bouscule. Quant aux remarques, elles ne sont pas retenues et sont brutes de décoffrage. Il est épatant de voir à quel point les mousses prennent sur eux et trouvent des stratégies pour gérer ces situations : écoute, humour, discussion. De temps en temps la voix s’élève, l’orage passe et la routine se réinstalle.

Les cigarettes sont pour certains une solution pour passer le temps, faire des pauses. Le ravitaillement de cigarettes se fait de plus en plus rare car les escales s’espacent. Une équipe de jeunes se motive à arrêter de fumer. Nous les soutenons dans leur démarche et espérons que ça dure.
Fleur de Passion est opérationnel à repartir vers 17h, du coup nous lèverons l’ancre demain matin à la première heure.

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Date : 30 septembre 2015
Position : Fazenda
Météo : Soleil, vent du sud

Il est six heures du matin et avant de larguer les amarres direction Florianopolis, nous prenons le petit déjeuner. Il est encore juste temps de ranger les dernières affaires séchant sur le pont.

Tout le monde est sur le pont prêt à recevoir les instructions de notre skipper Sébastien. Aujourd’hui, nous reprenons la mer. La journée se présente comme telle : une descente d’Itajai jusqu’à un mouillage (endroit abrité du vent où le bateau peut jeter l’ancre) en face de l’île de Catarina, neuf heures de navigation. Le départ se fait ensemble. Chacun à sa tâche, les uns à libérer le bateau de ses cordages, les autres à remonter le zodiac dans le bateau.

La sortie du port s’effectue à la barre par notre capitaine, avant que le premier quart ne se mette au travail en sortant de la baie. Quelques-uns vont se recoucher pour pouvoir être en forme à leur tour. Les quatre « de piquet » commencent la navigation au moteur. Le temps est long et l’heure matinale. Les courageux entament une bonne partie du voyage journalier avant de passer la main aux trois prochains. Le rythme est dur à prendre.
Nous continuons les prélèvements de micro-organismes à des fins de recherche scientifique. Il est question d’analyser l’impact du plastique dans l’environnement marin. Le plastique est un fléau en mer. Il se fabrique par l’être humain, s’utilise et se jette. Une énorme partie se retrouve dans l’eau, à flotter, à s’éroder ; elle est avalé par la faune marine. Nous disposons donc un filet dans l’eau, derrière le bateau afin de capturer une partie de la microscopique vie sous-marine. La manœuvre se répète sous les yeux attentifs de Sébastien. Les gestes sont encore timides mais renforcés de manœuvre en manœuvre. Trente minutes après, il est temps de le sortir de l’eau, le remplir de sel, le vider de son air et le conserver jusqu’à sa prochaine destination : le labo.

Pas le temps de finir que Laurent crie au bout du bateau ! Il a aperçu au loin le jet d’une baleine. Tout le monde se retrouve sur le pont. Pour la plupart, c’est la première occasion d’apercevoir des cétacés. Le spectacle est saisissant, trois baleines viennent proche du bateau. Nous restons en leur compagnie pendant plus d’une heure. Après avoir observé leur nageoire caudale (petit aileron qui se situe sur le dos de la baleine), nous pouvons affirmer qu’il s’agissait du rorqual commun. À taille adulte, celui-ci mesure dans les vingt mètres.

Le vent s’est décidé à forcir juste avant la relève du troisième quart. Les équipiers nous donnent la main pour lever la trinquette et le génois (deux voiles à l’avant). Pour certains, c’est la délivrance ! Le bruit de moteur, ses odeurs ne sont pas très agréables. Pour d’autres, passer d’une vitesse de 7 nœuds (1 nœud = 1,82 km/h) à 3 nœuds déclenche des soupirs car cela rallonge le périple.
Un plein vent de Nord se met à rentrer. Nous décidons de mettre nos deux voiles en ciseaux, c’est-à-dire l’une à tribord et l’autre à bâbord. Il est difficile de les maintenir de la sorte car un déplacement sur la droite ou la gauche, aussi petit soit-il, fait claquer une des voiles sur l’autre bord.

Nous tentons d’entrer dans la baie à la voile, mais le vent n’est pas favorable pour se rapprocher des rochers. Il faut d’abord border (resserrer les voiles), puis affaler. Les bras se mettent à tirer fort sur les écoutes (cordes qui permettent de régler les voiles). Il faut beaucoup de monde pour ranger : il y a les voiles à faire descendre, à attacher.

Une fois le bateau à l’ancre, nous prenons deux petites heures pour aller faire un tour sur la plage.
Le ventre creux, il nous faut préparer à manger : tout d’abord penser à un repas équilibré, ensuite ne pas grignoter pendant sa préparation, puis attendre qu’il mijote pour enfin mettre la table, servir et se régaler. La nourriture est souvent trop colorée au goût de certains car les légumes sont très présents. Les habitudes ne changent pas du jour au lendemain, et ce qu’il y a dans les assiettes est parfois agrémenté de ketchup et mayonnaise. Mais déjà les yeux s’intéressent, les mains s’appliquent à parer et le cerveau enregistre de nouvelles informations : « un fruit de la passion ça ?! Ça se mange ?? Comment ? », « La patate douce… c’est quoi ? »…

La journée était rude, les yeux se ferment rapidement.

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1er au 4 octobre
Navigation de Itajai à Rio Grande, 388 milles

Nous partons d’Itajai avec un faible vent du sud et un courant contraire. Du coup nous tirons des bords pour contourner l’île de Florianopolis, et gagnons péniblement des milles en direction du sud.

Puis le vent tourne, il vient à présent du nord et nous pousse au portant. Toutes voiles dehors nous faisons route directe vers le sud, à belle allure, atteignant parfois les 9 nœuds.

Nous sommes le 2 au soir, lorsque le vent bascule à nouveau. Cette fois le vent du sud est plus fort, 20-25 nœuds avec des rafales à 30 nœuds, les locaux le nomment le Pampeiro. Il lève progressivement une houle qui atteindra 5-6 mètres. Ajoutez à cela un peu de pluie et vous avez ce qu’on appelle un grain.

C’est très impressionnant, cela va durer une vingtaine d’heures. Les voiles ont été affalées en prévision et nous faisons route au moteur, cap sur Rio Grande. Le bateau plonge dans les vagues, il est balloté d’avant en arrière. Il grince de partout, les vagues balayent le pont et parviennent à s’infiltrer un peu partout. Le bateau est fait pour cela, il en a vu d’autres. Fabriqué en Allemagne pour un usage militaire dans les années 40, il a une structure en acier, habillée d’épaisses bordées en bois. La suite de son périple autour du globe l’amènera dans des eaux bien plus hostiles et il a été préparé en conséquence. Les marins expérimentés prennent le relais et assurent la navigation. Les jeunes restent au sec à l’intérieur.
Dans ces conditions extrêmes, les marins parviennent à cuisiner un repas revigorant. A table, il faut tenir son verre, son assiette et l’on danse de concert autour de la table.

Atterrissage de nuit à Rio Grande, un immense port qui dessert tout le sud du Brésil, nous longeons les nombreux terminaux qui accueillent des cargos du monde entiers et amarrons le bateau un peu plus loin dans les eaux calmes de la lagune.

Le 4 au matin marque la moitié de notre aventure. Le vent du sud nous a également amené du froid, par contre le soleil est au rendez-vous. Branle-bas de combat sur le bateau pour profiter de sécher les affaires, faire quelques lessives.

Nous sommes amarrés en-face du musée océanographique et accueillis à terre par son directeur, Lauro Barcellos, qui est un personnage passionné et enthousiaste. Il a un grand intérêt pour le bateau et notre expédition. Il nous invite à visiter son musée et nous partageons le repas du soir avec lui.

Le 5 au matin, il a invité quelques amis pour visiter le bateau, dont un amiral brésilien, excusez du peu. La tv locale est présente et nous fait l’honneur d’un reportage. Puis Lauro nous propose la visite d’une école qu’il a fondée il y a 20 ans, Centro de Convívio dos Meninos do Mar – CCMar. Il s’agit d’une structure éducative qui accueille 300 jeunes âgés de 14 à 17 ans. Ils fréquentent cette école l’après-midi durant une année, soit 4 trimestres successifs avec des programmes différents : informatique, construction de bateau, couture, manucure et pédicure, cuisine, boulangerie, etc. Il s’agit d’un complément à la scolarité publique. L’argent provient de fonds privés pour une grande part, de l’état et de son généreux fondateur et directeur.
Nous souhaitons également la bienvenue à bord à Georges, skipper argentin, qui finira le voyage avec nous.
Nous reprenons promptement la mer pour le sud, car la météo est favorable, nous attendons à nouveau un vent du nord qui devrait nous pousser en direction de l’Uruguay, rendez-vous à Punta del Este.

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Date : 11 octobre 2015
Position : 34°57’,64 S 54°57’,07W

Le 6 octobre au matin, nous quittons Rio Grande, dernière étape brésilienne. A la sortie du port, lors du hissage des voiles, nous apercevons des dauphins ainsi qu’un lion de mer.

Nous effectuons 49 heures de navigation dans des conditions favorables, la houle nous porte vers le sud et un vent de 15 à 25 nœuds nous permet de naviguer confortablement. Le vent faiblissant, nous finirons toutefois au moteur pour garder notre avance avant l’arrivée d’un vent du sud, de face, qui contrarierait notre marche, notre sommeil et nos estomacs !

Nous arrivons ainsi sans encombre à Punta del Este, Uruguay, pour le début de la partie hispanophone de notre périple. C’est dire que Nicolas, un des jeunes, sera à l’avenir notre traducteur attitré. Tâche qu’il effectue d’entrée avec brio : négocier le tarif à la laverie, obtenir des places assises pour tout le groupe dans le bus, donner une interview à un petit journal local ; la classe !

Le temps est à la pluie et il fait frais en ce début de printemps. Punta del Este est une immense station balnéaire qui, à la belle saison, draine une foule de riches Argentins et de riches Brésiliens. Nous y resterons quelques jours pour la maintenance du bateau, la lessive et une visite de l’intérieur des terres.

Quelques lions de mer nous tiennent compagnie dans le port, ils sont nourris par les restes de poissons que leurs abandonnent les pêcheurs. L’île voisine en abrite une population de 20'000 individus.

Le 9 au matin, nous prenons le bus en direction d’Aigua, pour visiter l’intérieur des terres. Nous emmenons avec nous les marins pour notre première sortie en commun.

L’Uruguay est un petit pays relativement plat, enclavé entre les deux géants que sont le Brésil et l’Argentine. Sa superficie représente tout de même 4,5 fois la Suisse, pour seulement 3 millions d’habitants, dont la moitié vit à Montevideo. Autant dire que le reste du pays est peu peuplé et que les vastes étendues dédiées à l’agriculture constituent l’essentiel des ressources naturelles du pays.

A Aigua, nous sommes accueillis par un expatrié suisse, qui, ayant vu le reportage de la Brigantine sur la RTS nous a proposé cette rencontre. La ville en elle-même à des allures de far-west, avec ses rues en damier, ses façades colorées et de vieilles guimbardes en état de marche. Nous partageons une parilla (façon de griller la viande) dans une auberge locale avant de visiter la campagne environnante.

Nous reprenons la mer le 10 au soir en direction de Colonia, Uruguay.

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Punta del Este – Colonia : 157 milles
Colonia - Buenos Aires : 28 milles
Position : 34°35’76 S 58°21’81 W
Milles parcourus depuis Rio : 1480

Punta del Este, 10 octobre au soir, nous appareillons pour une petite navigation de 30 heures à destination de Colonia, dernière étape avant l’Argentine.

Le vent de sud-est nous est favorable, nous naviguons à la voile, à une allure de 5 nœuds, avant d’affaler pour finir au moteur en zigzag à travers les hauts fonds de l’estuaire. Les eaux chargées d’alluvions du Rio de la Plata sont brunes.

Les quarts de nuits sont toujours aussi frais, nous laissons à tribord Montevideo, avant d’apercevoir sur bâbord le halo de Buenos Aires.

Nous mouillons devant Colonia durant la nuit. Au réveil, joli coup d’œil sur la baie et les habitations de style colonial qui la bordent. Au loin, on aperçoit les hauts bâtiments de Buenos Aires. Nous visitons la bourgade sur une journée, complétons notre avitaillement et effectuons les démarches administratives pour que le bateau et l’équipage puissent quitter le territoire uruguayen.
Après une nuit au mouillage, nous levons l’ancre pour une courte traversée vers Buenos Aires. Le ciel est clément. L’amarrage du Fleur-de-Passion dans la Marina du Yacht Club Argentino entre des voiliers de dimensions plus modestes sera effectué avec brio. Un petit coup de zodiac à bâbord, un gros coup à tribord, et nous voilà à quai, pour une semaine.

Dans son tour du monde, le Fleur-de-Passion organise des escales plus conséquentes pour faire le point avec les équipes scientifiques qui ont confié des missions au bateau, et pour développer les contacts avec les médias et autorités locales.

Ainsi, nous avons reçu à bord l’ambassadeur de Suisse en Argentine et une conférence de presse est prévue dans les locaux du Yacht Club Argentino ce 16 octobre.
Durant cette escale, les jeunes sont sollicités pour le nettoyage du bateau et divers coups de mains. Nous aurons également du temps pour visiter Buenos Aires et ses environs.

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Buenos Aires, 19 octobre

Le bateau est amarré au Yacht Club Argentino. Grâce au travail de tout l’équipage, il brille comme un sou neuf : pont briqué, coque brossée avec enthousiasme, même les couchettes sont faites.

Au programme : rencontre avec l’Ambassadeur de Suisse, conférence de presse, puis visites par des écoles.
Durant cette étape, nous avons du temps pour découvrir la ville de Buenos Aires et ses différents quartiers très contrastés. Ainsi la Marina se trouve dans un des quartiers les plus modernes, Puerto Madero. Les vieux docks en brique récemment rénovés côtoient des grattes-ciel semblables à tous ceux des grands centres d’affaires.

Beaucoup plus coloré, avec ses routes et trottoirs défoncés et ses toits de tôles, le quartier de La Boca est le fief du Boca Junior dont sont issues nombre de stars du football argentin.

Retiro est réputé plutôt aisé, bien que nous observions plutôt le contraire aux abords de la gare routière, avec ses habitations pas tout à fait terminées. La réalité de Buenos Aires est cette différence entre l’opulence de certains quartiers et la misère que l’on devine au coin de la rue. Des jeunes font les poubelles pour en extraire toutes sortes de marchandises. Le contenu des sacs poubelles s’en trouve éparpillé sur les rues le soir venu.
Nous profitons de notre halte prolongée pour effectuer une petite excursion dans la pampa argentine, et nous soumettre aux incontournables traditions de la culture Argentine : le foot, la parilla et la culture gaucho.

Dire également que nous vivons à l’heure de la campagne présidentielle. Les Argentins élisent leur nouveau président le 25 novembre, pour succéder à Cristina Kirchner.

Nous appareillerons sous peu pour ce qui devrait être notre dernière étape : La Plata, avant d’atteindre Mar de Plata, terme de notre périple.

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38°02,3’ S 57°31,2’ W
Buenos Aires – La Plata 23 milles
La Plata – Mar de Plata 232 milles

Après une longue escale à Buenos Aires, nous faisons le plein de fuel avant le départ. Les pancakes sont au rendez-vous grâce à Ethan qui en est devenu le spécialiste.
Après une courte navigation, nous atteignons La Plata, capitale de l’état de Buenos Aires. Nous y faisons escale, en attente d’une météo favorable qui nous permette de reprendre la mer le long d’une côte exposée aux forts vents du sud.

C’est l’occasion de visiter le riche musée d’histoire naturelle de la ville, avec ses collections zoologiques et anthropologiques qui nous permettent de compléter nos connaissances sur la faune et la culture amérindienne.
Nous profitons du soleil pour disputer une dernière partie de foot, puis suivre le match de l’équipe argentine de rugby en demi-finale des championnats du monde. Du côté des élections présidentielles, c’est le ballotage entre les deux favoris.

Lundi matin, 4h. Fenêtre météo. L’équipe de quart est aussitôt réveillée et le Fleur de Passion lève l’ancre pour sa dernière navigation avec l’équipage de la Brigantine. Le vent est tombé et le départ se fait au moteur. Puis un vent Est-Sud-Est nous permet de hisser une ultime fois les voiles.

Dernière navigation de nuit, la lune apparait à bâbord, le soleil se couche à tribord.

L’atterrissage à Mar de Plata se fait dans une drôle d’ambiance. Une épaisse brume entoure le bateau. Nous faisons durant deux heures des ronds dans l’eau en attendant l’autorisation d’entrer dans le port. Il s’agit d’un port militaire avec des sous-marins et ça ne plaisante pas. Au final un pilote monte à bord et nous guide jusqu’à notre place de mouillage. Une forte population de lions marins habite le port et nous accueille avec plus d’enthousiasme que les autorités portuaires.

C’est la fin de la partie navigation. Le bateau est arrivé à destination avec l’aide des apprentis-marins de la Brigantine. Bravo à eux. Quelles que soient les conditions météo et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, les équipes de quart ont assumé leur tâche, ponctuelles, fiables.

Il nous reste 2 jours pour préparer nos affaires, c’est-à-dire faire quelques lessives à la main sur le pont puis nettoyer le bateau pour l’équipage suivant. Vendredi midi nous prenons le bus à destination de Buenos Aires Aéroport (env. 6 heures), puis retour en Suisse via Madrid. Avouons-le, quelques-uns d’entre nous se réjouissent de rentrer, pour retrouver nos proches évidemment. Au chapitre des réjouissances attendues, nous pouvons également mentionner : une vraie douche, un bon lit, du fromage.
Le 31 octobre nous serons de retour en Suisse. Le bateau, lui, va continuer sa route sur les traces de l’expédition que Magellan mena il y a 500 ans.

C’est également un 31 octobre que le célèbre navigateur découvrit grâce à sa persévérance et au prix d’efforts considérables le détroit qui porte désormais son nom : un nouveau passage vers des terres inconnues, des rencontres nouvelles, un océan de possibilités.

L’équipe de la Brigantine