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En ce début avril 2017, le cyclone Debbie qui a dévasté la côte du Queensland empêche notre progression vers le nord. Nous sommes obligés d'attendre des conditions favorables pour naviguer.

Nous larguons finalement les amarres de nuit et abordons bientôt Swain reef dans la matinée du 9 avril. Pas d'îles, de plages ou d'arbres comme je me l'étais imaginé. Le massif de corail se révèle par la couleur turquoise de l'eau. Tout est immergé. Une approche avec le zodiac, le temps de s'équiper et nous basculons enfin dans l'eau.

Nous découvrons émerveillés un jardin d'Eden! Des coraux de toutes les couleurs et de toutes les formes entre lesquels se déplacent des poissons tout aussi incroyables. Un requin passe sous mes palmes. Devant moi, un long serpent de mer gris rentre dans une cavité et en ressort aussitôt pour passer tout près de moi. Et voilà Nemo dans son anémone!

Je dois lutter contre un petit sentiment de désespoir qui me prend soudain. Que puis-je saisir d'une telle beauté, d'une telle complexité, muni de mon simple crayon et de ma petite plaque de PVC sur laquelle je trace mes premières esquisses sous m’eau. Je me concentre, j'accepte mes limites et je me mets au travail. De retour sur le bateau, je suis très fier d'avoir pu saisir quelques images sous-marines, qui prendront vie et couleur par la suite…

Est-il encore possible de trouver quelque part sur les océans du globe des étendues d’eau exemptes de toute pollution plastique? La question a tout lieu de se poser alors que, deux ans jour pour jour après son départ de Séville, The Ocean Mapping Expedition livre le résultat des analyses des 87 échantillons d’eau de surface effectués d’avril 2015 à novembre 2016 au cours des 19 premiers mois d’expédition entre l’Espagne et l’Australie, soit sur l’équivalent d’un demi tour du monde. En effet, le 100% de ces échantillons révèle la présence de micro-particules plastiques, certains dans de très fortes proportions comme ceux effectués en plein milieu du Pacifique sud en 2016.
Quatre groupes de pollutions
« Les zones de pollutions mises en évidence par le programme Micromégas peuvent être classées en quatre groupes », détaille Pascal Hagmann, directeur exécutif de l’association Oceaneye. « Nous constatons une pollution très faible en Patagonie chilienne et dans le Pacifique sud, hors zone d’accumulation (concentration en micro-plastiques inférieure à 20g/km2). Une pollution légère dans le nord de la Patagonie chilienne (près de l’île de Chiloé) a été mesurée dans 1 échantillon. Elle est vraisemblablement liée à l’industrie d’élevage de poissons fortement développée dans cette région. Nous observons en revanche une pollution moyenne dans le Rio de la Plata (concentration en micro-plastiques d’environ 100g/km2), entre l’Argentine et l’Uruguay. Ceci est lié au fait que l’échantillonnage est réalisé près d’une zone à forte densité de population. »
« Enfin, nous relevons une pollution élevée dans la partie Sud-Est du Pacifique », un océan à la surface duquel 49 échantillons ont été effectués. « Cette pollution élevée (concentration microplastique supérieure à 300 g/km2) est liée au phénomène de convergence des courants marins dans cette partie de l’océan et d’accumulation de déchets qui en découle », explique Pascal Hagmann.
« Le profil de densité de pollution micro et méso-plastique observé durant la traversée du Pacifique confirme que The Ocean Mapping Expedition a bien traversé la zone d’accumulation de déchets du Pacifique sud », ajoute-t-il.
Un résultat stupéfiant qui incite à poursuivre le travail
« Le fait que 100% des prélèvements d’eau de surface que nous avons effectués jusqu’à présent contiennent des particules micro-plastiques est stupéfiant », a relevé Samuel Gardaz, vice-président de la Fondation Pacifique, lors d’une conférence de presse organisée à Genève.
« Certes, nous pouvions imaginer que nos prélèvements d’eau de surface révèleraient, pour certains du moins, voire une majorité, la présence de particules micro-plastiques. Mais de là à penser qu’absolument tous en contiendraient, il y a un pas.
« Ce constat est d’autant plus désolant qu’on peut légitimement redouter que plus une seule surface océanique au monde ne soit épargnée par le phénomène, sans parler de ce qui se passe dans les profondeurs. Et la tendance ne donne pas franchement de signes de vouloir s’inverser », déplore-t-il.
« Cela nous renforce néanmoins dans notre volonté de poursuivre, grâce à notre partenariat avec l’association genevoise Oceaneye, ce fastidieux travail de collecte de données de terrain pour contribuer à une vision globale du phénomène et de son évolution. Car c’est la condition sine qua non à toute prise de conscience et, in fine, à toute solution digne de ce nom », poursuit Samuel Gardaz. 
Ces prélèvements d’eau de surface ont été effectués par l’équipage de Fleur de Passion dans le cadre du programme Micromégas et sur la base d’un protocole strict tenant compte de l’état de la mer, de la vitesse du bateau et du vent, entre autres paramètres. Ils sont ensuite conditionnés à bord puis acheminés régulièrement en Suisse où les biologistes d’Oceaneye procèdent à leur analyse au Laboratoire central environnemental (CEL) de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
Mieux comprendre le « mystère plastique »
Dans un contexte général de prise de conscience progressive mais encore balbutiante du fléau planétaire que représente la pollution plastique des océans, ces données uniques en leur genre par l’ampleur de l’ère géographique couverte apportent un complément d’éclairage nécessaire. Le programme Micromégas a en effet permis de réaliser le second échantillonnage transpacifique entre le chili et la Polynésie. Transmises notamment au Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE), elles alimentent une base de données à l’échelle mondiale dont la communauté scientifique a besoin pour cartographier le phénomène et en déterminer l’évolution, condition sine qua non pour envisager d’endiguer le phénomène d’une façon qui soit réaliste.
« Aujourd’hui, on ignore où sont 99% des déchets plastiques flottants, explique Pascal Hagmann. La communauté scientifique cherche à comprendre où vont ces déchets. On dispose aujourd’hui d’environ 10'000 points de mesure à l’échelle mondiale. L’une des hypothèses pour expliquer ce « mystère plastique » est que cette pollution est largement sous-échantillonnée pour en avoir une vision globale. »
Manque de données en Asie du Sud-Est
« Nous allons accentuer nos efforts sur cette problématique de la pollution micro-plastique pour laquelle, comme en Asie du Sud-Est notamment, les données de terrain font là aussi cruellement défaut, insiste Pascal Hagmann. D’une manière générale, une plateforme logistique comme Fleur de Passion peut jouer un rôle très significatif car il donne accès à de zones d’études qui ne sont pas des priorités pour les institutions océanographiques. »

Retrouvez l'expédition lors de son passage en direct dans l'émission scientifique CQFD de la RTS la 1ère, jeudi 6 avril 2017, et découvrez plus en détails les enjeux de la Grande Barrière de corail et en quoi consistera plus particulièrement la mission de Fleur de Passion sur cet environnement en péril. Cliquez ici pour écouter l'émission

Merci à toute l'équipe de CQFD, qui suit The Ocean Mapping Expedition depuis son départ de Séville il y a bientôt 2 ans.

Départ sans précipitation de Brisbane pour The Ocean Mapping Expedition, dans la nuit du 27 au 28 mars 2017. Un violent cyclone était sur le point de toucher les côtes du Queensland, plus au nord, obligeant l’équipage à temporiser quelques jours avant d’entamer sa remontée vers la Grande Barrière de corail. De toute façon, rendez-vous était pris à Stradbroke Island, dans la Baie de Moreton, pour un briefing avec les membres de CoralWatch et permettre ainsi à l’équipage de Fleur de Passion de maîtriser le protocole d’observation de la santé des coraux développé par ce projet de science citoyenne basé à l’Université du Queensland.

Plus qu’un briefing, ce véritable atelier théorique et pratique s’est déroulé en trois temps: dans les locaux de la Station de Recherche de Moreton Bay toute proche, Justin Marshall, le chef de ce projet basé à l’Université du Queensland, a tout d’abord fait une présentation générale de la problématique corallienne et du phénomène du blanchiment. Puis l’équipage ainsi qu’une dizaine de volontaires de CoralWatch se sont retrouvés à bord pour un briefing technique délivré par Diana Kleine, l’autre responsable du projet. Puis, par équipe de deux, tout ce petit monde s’est retrouvé dans l’eau munis du matériel d’observation ad hoc pour une mise en pratique « on site » sur un récif tout proche.

Verdict, pour les plus novices: apprendre à distinguer le corail d’autres organismes, végétaux ceux-là, qui y ressemblent mais n’en sont pas. Pour le reste, l’équipage est désormais fin prêt à apporter sa contribution à la vaste base de données alimentées par tous les volontaires qui souscrivent au projet CoralWatch, en Australie mais aussi dans plus de 70 pays à travers le monde.

Fleur de Passion a pris des allures assez « bestiales » depuis l’arrivée à bord de Pierre Baumgart. A peine ses quartiers pris en vue de sa navigation sur la grande barrière de corail les jours prochains, le dessinateur animalier genevois n’a plus eu d’yeux - et d’oreilles - que pour la foisonnante faune de Brisbane. Pendant les quelques jours qui ont précédé le départ de l’expédition, en pleine ville ou dans ses environs, le huitième dessinateur du programme « Dans le miroir de Magellan » a dessiné tant et tant au point de rassembler dans le grand carnet qui ne le quitte jamais de quoi transformer le voilier en véritable Arche de Noé, tendance australienne.

Déambuler aux côtés de Pierre Baumgart le long des rives de la Brisbane River, dans les rues adjacentes et jusque dans le centre de la ville, sans parler de ce qu’il observe depuis le pont du bateau, est une expérience en soi, une manière tout à fait inattendue de revisiter l’Australie: à travers le prisme animalier - visuel et sonore - d’un connaisseur et d’un amoureux de la nature qui n’a pas son pareil pour voir et entendre tout ce que le pays offre de follement exotique, tout cliché assumé, à commencer par ces ibis blancs et noirs au long bec recourbé qui peuplent la ville comme les pigeons nos métropoles. Il est d’ailleurs interdit de les nourrir eux aussi, avertissent des panneaux…

« Tu entends cet oiseau, le bel accent australien qu’il a? », interpelle-t-il avec malice. « Tu vois l’oeil de cet autre là perché dans l’arbre? » « Rendez-vous à 9h30 en face du bateau au jardin botanique sous l’arbre aux cacatoès », annonce-t-il. Et en effet on l’y retrouve, assis par terre en train de saisir sur le vif les volatiles en plein dépeçage de noix dont les reliquats dégringolent de l’arbre en question…