Livre de bord

Quel retour! Si l’arrivée de Fleur de Passion à Séville s’est faite sur le coup des 22h20 dans la nuit du 4 au 5 septembre, la cérémonie d’accueil officielle a eu lieu quant à elle le vendredi 6 septembre entre 11h et 13h, sur le Quai des Délices tout d’abord pour admirer un Fleur de Passion quasiment toutes voies dehors, puis dans le hall de l’aquarium où avait lieu la célébration à l’invitation de l’Ambassade de Suisse pour l’Espagne et Andorre, et représentée par l’ambassadeur en personne.

Plusieurs centaines de personnes e de personnalités, parmi lesquelles le Maire de Séville et le Vice-Président de la province d’Andalousie, avaient répondu à l’invitation. Ainsi qu’une forte délégation genevoise descendue spécialement pour l’occasion, dont des soutiens de l’expédition: fondation Barbour, fondation Firmenich, Société privée de gérance et Rotary Club Palais Wilson. Et le spectacle fut grandiose! En une petite heure de temps, sous la conduite d’un équipage plus pro que jamais, le voilier a remonté le fleuve en direction du centre ville, artimon de parade et grand-voile hissés, puis deux voiles d’avant, yankee et trinquette. Manquait plus que le clin-foc et le flèche. Puis avant le pont qui lui barrait la route, il a amorcé son demi tour pour redescendre tout tranquillement le Guadalquivir en passant devant ce même Muelle de las Delicias d’où il s’était élancé un certain 13 avril 2015… Que d’émotion pour ceux en particulier des membres d’équipage et membres du conseil de la Fondation Pacifique qui étaient présents alors il y a quatre ans et demi…

En Espagne en tout cas, les retombées média ne se sont pas faites attendre. A suivre bientôt.

Dernière navigation dans les Açores, deux passagères embarquent le dimanche 2 juin 2019 et complètent l'équipage déjà en place pour quitter l'île de Faial en direction de l'ouest et de l'île de Sao Miguel. Fleur de Passion commence sa route au moteur puis nous touchons du vent qui nous permet de poursuivre à la voile. On croise la route d'un cachalot au sud de l'île de Pico avant de se retrouver en pleine mer. La navigation est paisible, avec une moyenne de 4 noeuds, nous mettrons moins de 48h pour atteindre Sao Miguel. En passant devant Ponta Delgada, gros port industriel, nous décidons de mouiller plus à l'ouest en face de Vila Franca do Campo, petit village paisible. C'est ici que Pietro le skipper laisse le bateau aux mains de Pere. Yves l'éducateur nous quitte également tandis qu’Yffick vient compléter l’équipage.

Avitaillement, eau, lessive, etc: la préparation de Fleur de Passion pour l’ultime traversée en direction du continent européen se déroule sans entrave particulière. Le dessalinisateur auquel on ne croyait plus est testé et ô miracle, il fonctionne à nouveau! Nos prochains passagers ainsi que la 19ème dessinatrice, Kati Rickenbach-Bopp embarquent le 9 juin. Nous voilà 10 à bord, les 3 marins (Pere, Yffig, Candy), les 3 jeunes (Lena, Valentin, Kendry) et les passagers (Kati, Frederic, Estelle et Marie). Après plusieurs analyses météorologiques, nous appareillons le 11 juin et c'est parti pour la dernière traversée de l'expédition. Le vent ne nous est pas très favorable durant les premiers jours. En revanche, l’état de la mer est plutôt bon et permet aux passagers de s'habituer gentiment aux mouvements du bateau et de s’amariner en douceur. Les quarts rythment les journées qui s'enchaînent avec quelques tentatives de naviguer uniquement à la voile, mais sans grand succès. Les prélèvements d’eau de surface sont pleins de vellèles et parfois de physalies, sorte de méduses dont les tentacules peuvent être très venimeuses. Les échantillons sont donc manipulés avec des gants et avec beaucoup de précautions. A mi-chemin, le vent est tellement faible qu'une baignade (pas de méduses en vue) a lieu au beau milieu de l'océan par 4900m de fond.

Bientôt, une dépression nous rattrape que les passagers l'attendent de pied ferme. Vivre enfin de vraies conditions de navigation à la voile! C’est chose faite, le baromètre baisse, nos fichiers météos nous l’annoncent et le 17 juin, changement d’ambiance… Après trois jours de ciel bleu sans vent, tout devient gris, des grains arrosent le pont, le vent monte, force 3, 4, 5 puis 6. Sous yankee, artimon avec deux ris et grand-voile, Fleur de Passion trace un bon 5,5-6 noeuds. La mer est encore peu agitée, mais dès le lendemain, à l'approche des côtes, trois mètres de creux avec des vagues à 4-5m (il faut toujours qu'on exagère l'estimation) finissent de calmer tout le monde à bord. C'est avec force 6, une gîte assez prononcée et des grains qui ne faiblissent pas non plus qu'on aperçoit enfin l’Espagne et le relief de la côte de Galice. Le vent du sud ne nous permet pas de nous rendre comme convenu à Baiona, au sud de Vigo. Aussi Pere trouve-t-il un mouillage à l'abri de la houle un peu plus au nord. Nous mouillons à Playa de Aquileira à côté de Portosin à 17h00, le 18 juin, après 850 milles, trois thons pêchés, du beau et du moins beau temps croisé sur notre route. Le lendemain, profitant de l’accalmie, nous levons l'ancre et mettons le cap vers Baiona, à 50 milles plus au sud, où il est prévu que l’expédition fasse une halte de quatre semaines dédiées à quelques travaux d’entretien et à des navigations dans la région. Nous ferons d’ailleurs ce dernier trajet en deux fois pour profiter, membres d’équipage comme passagers, d’admirer les îles de la région. Le 20 juin en fin de matinée, nous mouillons enfin au Puerto Deportivo Baiona.

Flores a enchanté l'équipage, serait-ce parce que nous n'avions pas touché terre depuis 12 jours ? Parce qu'il était plaisant de voir d'autres visages que ceux du bord ? Non, pas seulement. Cette petite île connue pour ses lacs et ses cascades a été un décor à la hauteur de sa réputation bien que nous arrivions trop tôt pour profiter de la floraison printanière. En effet, nous n'avons pas eu le plaisir de voir les fameux hortensias ni les "Cubres", fleurs jaunes qui caractérisent l'île mais qui sont de plus en plus rares. 

Après cette première étape Acorienne, nous reprenons la mer direction Faial, la ville principale de Horta sera notre camp de base aux Acores comme l'a été Mindelo au Cap Vert. Encore une fois, le vent nous sera favorable, décidément nous commençons à croire que cet équipage porte chance ! Un mélange de joie teintée d'une légère tristesse commence à se faire sentir au sein de chacun, plaisir d'avoir partagé une si belle navigation, déception d'avoir à se séparer bientôt. Ceux qui vont quitter le bord laissent leur vie terrienne reprendre de plus en plus d'espace dans leurs esprits, les téléphones se reconnectent, les nouvelles de l'Europe font éclater la bulle dans laquelle nous nous étions confortablement installés.

Le vent passe progressivement de Ouest-Sud-Ouest à Sud, forcissant de 8 noeuds à 20-25 noeuds dans la nuit, tout à fait adapté à notre cap Est-Sud-Est, notre vitesse se rapproche souvent des 7 noeuds grâce à la réduction de la voilure qui évite une gîte trop importante, le bateau perd moins de puissance car il a une meilleure pénétration dans l'eau. 

Arrivée à Horta le 15 mai, le prochain départ est prévu dans 5 jours. Cela laisse un peu de temps à l'équipage pour se reposer au moins une journée à tour de rôle et préparer le bateau.

Avant qu’Anne, la dessinatrice, quitte le bateau, nous décidons de laisser une petite empreinte de notre passage aux Acores. Cet archipel d'îles est souvent la première terre que les capitaines visent quand ils arrivent des Amériques ou des Caraïbes. Chaque bateau a pour habitude de faire une peinture qui représente son épopée sur la digue du port. Fleur de Passion  n'y échappe pas et à Flores comme à Horta, Anne et une partie de l'équipage laissera aller leur créativité parmi les autres oeuvres des marins qui se sont improvisés artistes pour l'occasion. Nous sommes surpris par le talent de certains, belle façon d'embellir le bitume !

Le 20 mai 2019, départ sous voiles avec la nouvelle équipe, direction la petite île de Graciosa qui est la plus au nord de l'archipel. Encore une navigation agréable grâce à un vent du sud qui nous pousse jusqu'à notre destination après une série d'empannages très réussis malgré la présence de nombreux novices à bord. Le mouillage se fera en face du village de Praia, le panorama qui s'offre à nous a quelques similitudes avec ses grandes soeurs de l'archipel, une église, quelques moulins bâtis selon l'architecture locale, une terre quadrillée de champs agricoles, des vaches qui se repaissent, le tout surplombé par un cratère, celui-là ne culminant qu'à 400 mètres de haut. 

Après une deuxième nuit au même mouillage, on hisse les voiles et faisons route sur Sao Jorge avec un vent d'ouest que nous recevons sur notre travers tribord, nous visons un mouillage à l'extrême Est de l'île. Au petit matin, pour ceux qui auront le courage de se lever tôt, une baleine à bosse s'est propulsée trois fois de l'eau avant de repartir dans les profondeurs.