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L’escale à Bainoa au sud de Vigo, courant juillet, a été l’occasion de donner corps à la philosophie de l’expédition, faite de partage d’expérience et de rencontre avec les acteurs locaux de terrain. Dans cet esprit, vendredi 19 juillet 2019, nous avons effectué une sortie en mer avec deux organisations galiciennes impliquées dans des problématiques ou des démarches similaires à la notre: la Coordination pour l’étude des mammifères marins (CEMMA) et Oceanic Sound Art (OSA). 

A l’invitation de la première, des personnes intéressées par les questions océanographiques et environnementales se sont jointes à la sortie et ont ainsi appris à effectuer des observations et des comptages de cétacés, à procéder à des échantillonnages d’eau de surface dans le cadre du programme de l’expédition sur la pollution microplastique, et à utiliser l’hydrophone pour des enregistrements sous-marins.

Côté théorie, les échanges ont également été fournis. Uxía Vazquez du CEMMA a expliqué aux participants la manière dont les cétacés communiquent entre eux. Yaiza Santana, la coordinatrice scientifique de l’expédition, a raconté comment la pollution sonore interfère et perturbe la communication des cétacés et d'autres organismes marins. Enfin Alonso Vazquez, Xesús Morales et Tamara Montenegro, de l'OSA,  ont évoqué leur travail sur ce que l’on appelle les « paysages sonores » et leur approche consistant à mélanger art et science en utilisant l'acoustique.

Cette journée en mer à bord de Fleur de Passion a été un grand succès, tant les cétacés étaient au rendez-vous. Nous avons ainsi pu observer plusieurs groupes de dauphins communs, (Delphinus delphis). Dans un registre nettement moins enthousiasmant, nous avons pu constater une fois encore la présence de particules microplastiques dans les prélèvements que nous avons échantillonnés.

Merci à CEMMA et à OSA pour leur implication dans l’organisation de la journée et à toutes les personnes qui ont pris part à cette journée de rencontre, de partage et d’échange, immortalisée par la vingtième et ultime dessinatrice du programme culturel de l’expédition, la genevoise Renata Martino.

En ce début mai 2019, nous nous trouvons au milieu de l’océan Atlantique sur la route qui monte en ligne droite du Cap Vert en direction des Açores. Depuis déjà une semaine et notre départ de Mindelo, nous ne sommes plus entourés que par du bleu. En date du 6 mai, nous nous trouvons à la position 29º21.40’N – 31º47.57’W. Après plusieurs jours accompagnés de vent et de vagues, il n’y a plus ce jour ni vent ni même courant. L’océan ressemble presque à un lac. Des conditions parfaites pour un échantillonnage dans le cadre du programme Micromégas en partenariat avec l’association Oceaneye à Genève. D’autant qu’à la surface, si l’on peut observer des accumulations d’algues de type Sargassum, nous pouvons constater aussi des plastiques qui flottent partout. Il semble que cette zone présente une accumulation particulièrement élevée de débris. Pour confirmer cela, il faudra toutefois attendre les résultats des analyses.

L’équipage se prépare donc à la séquence de prélèvement : Fleur de Passion ralentit sa vitesse à moins de 5 nœuds; le « mandat trawl" est préparé, son lock mis en place pour calculer la distance parcourue; la « chaussette » est fixée à l’extrémité du filet pour collecter les micro-plastiques; puis le manta est jeté à l’eau et traîné une demi-heure durant. Il ne s’agit pas d’un échantillon quelconque, mais bien du 200ème depuis que l’expédition a commencé. Tout un symbole! Nous remontons le filet et pouvons déjà y observer des plastiques de couleur qui n’ont hélas rien à voir avec de quelconques éléments organiques.

Nous procédons à un second échantillonnage - de 10 minutes cette fois - qui ne servira pas à l’analyse mais nous permet d’observer son contenu au moyen de la loupe binoculaire du bord: microplastiques et organismes planctoniques que l’on peut trouver dans cette zone. Anne Bory, la dessinatrice à bord, en profite pour dessiner les créatures planctoniques : des larves de poissons, des escargots violets, des crevettes bizarres et, aussi, les fameux micro-plastiques. 

La zone que nous traversons est identifiée comme une zone d’accumulation de débris, une des îles de plastiques qui existent dans l’Atlantique. Pendant la durée de la navigation dans cette aire, nous faisons plusieurs autres échantillonnages pour les regarder à la loupe. Ces observations (voir les photos) indiquent que la concentration de plastiques d’une taille entre 1mm et 5mm est très élevée. Ceux-ci se présentent avant tout sous forme de fibres de plastiques et de petits morceaux durs. Au final, l’ensemble des cinq échantillons réalisés au cours de cette traversée contiennent des micro-plastiques.

Depuis le début de l’expédition en avril 2015, plus de 90% des prélèvements effectués dans le cadre du programme Micromégas contenaient des particules micro ou méso-plastique « dans les dimensions analysées », comme le soulignent les biologistes d’Oceaneye. Pas étonnant en conséquence de continuer à trouver autant de débris au milieu de l’océan Atlantique à l’heure de la remontée vers les Açores puis Séville. Car les flux de production de plastique et donc de pollution, eux, n’ont pas franchement baissé depuis quatre ans et suivent au contraire des courbes ascendantes qui ont de quoi nous inquiéter.

La problématique de la pollution micro-plastiques en mer est connue et tend à être de plus en plus médiatisée. Malgré cela, sans de profonds changements dans nos habitudes, cette pollution va se poursuivre et empirer. Car chaque déchet de plastique qui finit dans les eaux aujourd’hui est voué à se fragmenter en micro particules puis en nano-particules qui jamais ne se dissolvent. Faisant peser un risque toujours plus grand pour la santé des océans. Et de la nôtre au final.

Le programme Micromégas sur la pollution méso et micro-plastique, mené dans le cadre de The Ocean Mapping Expedition en partenariat avec l’association Oceaneye, révèle que plus de 90% des échantillons d’eau de surface analysés à ce jour contiennent des particules plastiques dans les dimensions mesurées, avec une pollution moyenne record de 551 g/km2 en Asie du Sud-Est.

De Séville à Dakar, 194 échantillons d’eau de surface ont été prélevés par l’équipage. Et sur les 187 échantillons analysés par les biologistes de l’ONG genevoise, il s’avère que 91% contiennent des polymères plastiques dans les dimensions analysées, soit de 1.0 à 5.0 mm pour les micro-plastiques et supérieures à 5.0 mm pour les méso-plastiques. Tels sont les chiffres qui ont été ptésentés aux média lors de la conférence de presse organisée par la Fondation Pacifique le 2 avril 2019 dans la capitale sénégalaise, où l'expédition a fait escale du 28 mars au 8 avril.

« Toutes les régions traversées par The Ocean Mapping Expédition sont affectées par la pollution plastique », déplore Pascal Hagmann, directeur exécutif d’Oceaneye et responsable du programme Micromégas.

« La pollution moyenne de l’ensemble des échantillons collectés par Fleur de Passion est de 26 g/km2 en micro-plastiques et de 195 g/km2 en méso-plastiques, soit une concentration moyenne totale de 221 g/km2 », détaille-t-il.

L’Asie du Sud-Est bat des records de pollution plastique

« L’Asie du Sud-Est bat tous les records avec une pollution moyenne de 551 g/km2 », poursuit  Pascal Hagmann, qui note toutefois que la très forte concentration de particules plastiques observée dans cette région du monde est liée à quelques échantillons particulièrement pollués.

« L’échantillon le plus pollué a été collecté au large de l’archipel de Palau (Micronésie) avec une pollution de 50’546 g/km2, détaille-t-il, même s’il faut néanmoins préciser que ce dernier chiffre, bien qu’impressionnant, n’est aucunement significatif d’une pollution moyenne dans cette région », traversée par l’expédition fin 2017-début 2018.

« La Grande Barrière de corail s’avère elle aussi fortement polluée avec une concentration moyenne mesurée à 855 g/km2. Ce chiffre est néanmoins à prendre avec précaution car le nombre d’échantillons collecté par l’expédition dans cette région d’avril à juin 2017 est limité et l’un d’entre eux s’est avéré particulièrement pollué », tempère Pascal Hagmann.

« Le gyre du Pacifique Sud, bien qu’à des milliers de kilomètres de toute activité humaine, s’avère lui aussi particulièrement pollué avec une concentration moyenne de plastique mesurée à 185 g/km2 », poursuit-il.

Une omniprésence due à plusieurs facteurs

Et d’expliquer: « Cette omniprésence de polluants plastiques s’explique par le transport et la dispersion des déchets flottants du fait des mouvements des eaux de surface. Il est maintenant démontré que 3 mécanismes participent à ce transport : 1) les courants marins (courants continus et réguliers); 2) le transport d’Ekman (courants dûs au cisaillement de la surface d’eau par le vent); 3) la dérive de Stokes (déplacement dû aux vagues). »

La Patagonie chilienne et la Polynésie sont en revanche des régions très faiblement touchées. En effet, ces régions sont éloignées des sources de pollution (régions à forte densité de population) et ne sont pas sous l’influence des zones d’accumulation de déchets.

« A titre comparatif, la concentration dans le gyre du Pacifique Sud ou la Grande Barrière de corail est proche du niveau de pollution observé en mer Méditerranée occidentale, région considérée par la communauté scientifique comme fortement polluée avec une moyenne de 187 g/km2 de méso et microplastique », conclut Hagmann.

La cartographie des échantillons analysés peut être consultée sur www.oceaneye.ch/cartographie/